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Nous sommes de retour à la maison, la vraie maison, celle avec des murs, des meubles, l'eau courante et toutes nos choses. Ça fait presque deux semaines et on commence à se sentir un peu installé après un blitz de nettoyage et d'emménagement. Nous écrirons un dernier blog dans les semaines qui suivent, une conclusion de cette grande aventure. Pour l'instant, je voulais publier le texte qui suit, un sommaire un peu plus technique sur la navigation dans les eaux du Saint-Laurent que j'ai écrit lentement tout au long de ces navigations.
Cette zone de navigation a la réputation d'être l'une des plus difficiles au monde. Peut-être vrai, comme partout ailleurs, pour naviguer de façon sécuritaire il faut en connaître les particularités, avoir de bonnes informations météo et se préparer adéquatement ainsi que le bateau.
Dans les mers du sud, il suffisait à peu près de s'informer de la force du vent et la hauteur des vagues et selon ses préférences, s'élancer sans trop de préparation avec un vent dont la direction ne changeait pratiquement jamais.
Au nord dans le Saint-Laurent, un tas d'autres considérations viennent brouiller les cartes: le froid, le brouillard, les courants forts, les grandes marées, les vents changeants et instables, la navigation dans les canaux des navires commerciaux, les points d'ancrage très rares et les grandes distances souvent entre les points d'arrêt possibles. Il y a bien sûr quelques points positifs dont les longues journées avec une durée d'ensoleillement de 18 heures et plus; et de pouvoir profiter de courants aidants dans certains cas.
La remontée du fleuve est particulièrement délicate. Un navire qui descent le fleuve profite beaucoup plus de courants aidants et a généralement le vent dans les voiles puisque les vents dominants sont du sud-ouest. À l'inverse, un navire remontant le fleuve doit se battre contre ces éléments et choisir ses passages très minutieusement s'il veut avancer efficacement.
Dans notre cas, le courant a été définitivement l'élément le plus important. Un voilier qui peut avancer à 6 ou 7 noeuds dans de bonnes conditions ne peut ignorer certains passages critiques carrément infranchissables par courant inverse maximum. L'embouchure du Saguenay et les régions de Québec et Trois-Rivières sont particulièrement critiques. Heureusement, les cycles de marée procurent une inversion de courant qui permet de passer. Il suffit donc de bien synchroniser son passage en fonction des changements de courants. Facile à dire, pas toujours aussi facile à réaliser. Les autres facteurs doivent aussi coopérer mais en plus l'info sur les marées et courants doit être trouvée, comprise, analysée et traduite en un plan de navigation. J'ai trouvé deux sources qui ont été une mine d'or à cet égard.
En premier lieu, le "guide du tourisme nautique 2015", un petit livret distribué dans les marinas et disponible gratuitement. Il n'a l'air de rien mais c'est un guide de navigation complet sur tous les cours d'eau importants du Québec et en plus il fournit tous les trucs de base pour savoir quand et comment passer ces fameuses zones de courant fort. Je suis tombé sur le dernier exemplaire disponible à la marina de Rivière au Renard en Gaspésie sans le connaître et sans savoir quelle utilité il aurait mais cet heureux hasard m'a été d'un grand secours à mesure qu'on avançait. Il y a aussi le site "ogsl.ca/ocean" qui donne une prévision de 1 à 2 jours d'avance des courants du fleuve et du golfe, de Trois-Rivières à Terre-Neuve, de façon interactive et graphique sur une carte. Priceless! Cette information visuelle et facile à comprendre permettait de corroborer les autres infos de marée et celles du guide.
Un exemple, l'entrée dans le fjord du Saguenay. Le courant du fleuve à l'embouchure du Saguenay dépasse régulièrement 4 à 5 noeuds tandis que le jusant (courant de marée descendante) de la rivière Saguenay atteint jusqu'à 7 noeuds. De plus, cette zone de rencontre des deux cours d'eau crée de grandes turbulences et des vagues dangereuses surtout par vent inverse au courant. Il est donc fort avantageux, sinon essentiel, de synchroniser son arrivée ou départ avec le bon changement de marée en fonction de notre destination à cette croisée des chemins. Pas toujours facile d'optimiser cette synchronisation lorsque les ports précédents ou suivants sont situés à une journée complète de navigation et qu'il faut aussi considérer les courants changeants tout au long de cette même navigation. Tout se passe quand même très bien pour nous malgré une arrivée au Saguenay dans un brouillard épais.
Parlant brouillard, c'est pour nous l'autre grande nouveauté. Plus simple cependant, ce n'est pas si différent que de naviguer de nuit et donc le radar et le système AIS sont les outils qui nous permettent de gérer ce phénomène. Et nous avons été relativement chanceux comptant seulement 3 ou 4 navigations avec brouillard et ce même en considérant toute la côte de la Nouvelle-Ecosse, réputée pour être toujours sous le brouillard!
Pour compléter à propos du courant, une fois à Trois-Rivières et plus haut, il n'y a plus d'effets de marée et d'inversion de courant. Il ne reste que le débit naturel du fleuve toujours présent et qu'il faut inévitablement combattre en remontant. C'est un courant qui diminue notre vitesse de 1 à 3 noeuds selon les zones en fonction principalement de la largeur du cours d'eau. On doit vivre avec et accepter de progresser lentement. Tous les environs de Montréal en particulier offrent de forts courants. Cependant nous sommes revenus dans la chaleur et dans la navigation facile et confortable d'une rivière, similaire à l'intracostale aux Etats-Unis avec en moins le souci du manque de profondeur et de la hauteur des ponts puisque nous sommes tout de même toujours dans le chenal des navires de commerce.
Côté température, il a fait froid, très froid! Depuis le nord de la côte est américaine jusqu'à Québec environ, la température de l'eau oscille entre 5 et disons 13 degrés Celsius. La sécurité et l'idée de ne pas tomber à l'eau est encore plus primordiale. C'est une question de vie ou de mort. Il faut donc le bon équipement et ne prendre aucun risque, ce que l'on fait. Il reste donc l'impact du point de vue confort. Même par une belle journée ensoleillée, l'air du large toujours refroidie par cette eau froide nous force aux vêtements longs et chauds. Par temps couvert et pluvieux, c'est encore pire. Avec un système de chauffage à bord et des vêtements appropriés pour naviguer, nous n'avons pas souffert du froid et avons réussi à bien apprécier toute cette belle grande zone de navigation. Petit inconvénient additionnel, la condensation à l'intérieur du bateau qui nous a forcé à éliminer quelques zones de rangement dans les cales par exemple.
Dernier élément à considérer pour ceux, comme nous, qui dépassent Montréal sur la voie maritime: les écluses. Les navires marchands ont priorité, ce qui fait que selon l'achalandage, on peut devoir attendre pour passer ces mastodontes qui nous soulèvent de 45 pieds dans certains cas. Il y a beaucoup d'informations sur les pages web de la voie maritime, à consulter absolument pour connaître les procédures, coûts, horaires, etc.
Somme toute, le Saint-Laurent aura été le point d'exclamation final de notre aventure, une superbe conclusion qui a conservé et amplifié cet esprit de découverte et d'aventure jusqu'aux derniers moments.
Cette zone de navigation a la réputation d'être l'une des plus difficiles au monde. Peut-être vrai, comme partout ailleurs, pour naviguer de façon sécuritaire il faut en connaître les particularités, avoir de bonnes informations météo et se préparer adéquatement ainsi que le bateau.
Dans les mers du sud, il suffisait à peu près de s'informer de la force du vent et la hauteur des vagues et selon ses préférences, s'élancer sans trop de préparation avec un vent dont la direction ne changeait pratiquement jamais.
Au nord dans le Saint-Laurent, un tas d'autres considérations viennent brouiller les cartes: le froid, le brouillard, les courants forts, les grandes marées, les vents changeants et instables, la navigation dans les canaux des navires commerciaux, les points d'ancrage très rares et les grandes distances souvent entre les points d'arrêt possibles. Il y a bien sûr quelques points positifs dont les longues journées avec une durée d'ensoleillement de 18 heures et plus; et de pouvoir profiter de courants aidants dans certains cas.
La remontée du fleuve est particulièrement délicate. Un navire qui descent le fleuve profite beaucoup plus de courants aidants et a généralement le vent dans les voiles puisque les vents dominants sont du sud-ouest. À l'inverse, un navire remontant le fleuve doit se battre contre ces éléments et choisir ses passages très minutieusement s'il veut avancer efficacement.
Dans notre cas, le courant a été définitivement l'élément le plus important. Un voilier qui peut avancer à 6 ou 7 noeuds dans de bonnes conditions ne peut ignorer certains passages critiques carrément infranchissables par courant inverse maximum. L'embouchure du Saguenay et les régions de Québec et Trois-Rivières sont particulièrement critiques. Heureusement, les cycles de marée procurent une inversion de courant qui permet de passer. Il suffit donc de bien synchroniser son passage en fonction des changements de courants. Facile à dire, pas toujours aussi facile à réaliser. Les autres facteurs doivent aussi coopérer mais en plus l'info sur les marées et courants doit être trouvée, comprise, analysée et traduite en un plan de navigation. J'ai trouvé deux sources qui ont été une mine d'or à cet égard.
"ogsl.ca/ocean" |
Un exemple, l'entrée dans le fjord du Saguenay. Le courant du fleuve à l'embouchure du Saguenay dépasse régulièrement 4 à 5 noeuds tandis que le jusant (courant de marée descendante) de la rivière Saguenay atteint jusqu'à 7 noeuds. De plus, cette zone de rencontre des deux cours d'eau crée de grandes turbulences et des vagues dangereuses surtout par vent inverse au courant. Il est donc fort avantageux, sinon essentiel, de synchroniser son arrivée ou départ avec le bon changement de marée en fonction de notre destination à cette croisée des chemins. Pas toujours facile d'optimiser cette synchronisation lorsque les ports précédents ou suivants sont situés à une journée complète de navigation et qu'il faut aussi considérer les courants changeants tout au long de cette même navigation. Tout se passe quand même très bien pour nous malgré une arrivée au Saguenay dans un brouillard épais.
Parlant brouillard, c'est pour nous l'autre grande nouveauté. Plus simple cependant, ce n'est pas si différent que de naviguer de nuit et donc le radar et le système AIS sont les outils qui nous permettent de gérer ce phénomène. Et nous avons été relativement chanceux comptant seulement 3 ou 4 navigations avec brouillard et ce même en considérant toute la côte de la Nouvelle-Ecosse, réputée pour être toujours sous le brouillard!
Pour compléter à propos du courant, une fois à Trois-Rivières et plus haut, il n'y a plus d'effets de marée et d'inversion de courant. Il ne reste que le débit naturel du fleuve toujours présent et qu'il faut inévitablement combattre en remontant. C'est un courant qui diminue notre vitesse de 1 à 3 noeuds selon les zones en fonction principalement de la largeur du cours d'eau. On doit vivre avec et accepter de progresser lentement. Tous les environs de Montréal en particulier offrent de forts courants. Cependant nous sommes revenus dans la chaleur et dans la navigation facile et confortable d'une rivière, similaire à l'intracostale aux Etats-Unis avec en moins le souci du manque de profondeur et de la hauteur des ponts puisque nous sommes tout de même toujours dans le chenal des navires de commerce.
Côté température, il a fait froid, très froid! Depuis le nord de la côte est américaine jusqu'à Québec environ, la température de l'eau oscille entre 5 et disons 13 degrés Celsius. La sécurité et l'idée de ne pas tomber à l'eau est encore plus primordiale. C'est une question de vie ou de mort. Il faut donc le bon équipement et ne prendre aucun risque, ce que l'on fait. Il reste donc l'impact du point de vue confort. Même par une belle journée ensoleillée, l'air du large toujours refroidie par cette eau froide nous force aux vêtements longs et chauds. Par temps couvert et pluvieux, c'est encore pire. Avec un système de chauffage à bord et des vêtements appropriés pour naviguer, nous n'avons pas souffert du froid et avons réussi à bien apprécier toute cette belle grande zone de navigation. Petit inconvénient additionnel, la condensation à l'intérieur du bateau qui nous a forcé à éliminer quelques zones de rangement dans les cales par exemple.
Dernier élément à considérer pour ceux, comme nous, qui dépassent Montréal sur la voie maritime: les écluses. Les navires marchands ont priorité, ce qui fait que selon l'achalandage, on peut devoir attendre pour passer ces mastodontes qui nous soulèvent de 45 pieds dans certains cas. Il y a beaucoup d'informations sur les pages web de la voie maritime, à consulter absolument pour connaître les procédures, coûts, horaires, etc.
Somme toute, le Saint-Laurent aura été le point d'exclamation final de notre aventure, une superbe conclusion qui a conservé et amplifié cet esprit de découverte et d'aventure jusqu'aux derniers moments.